Mots de l'auteur

Cette rubrique est un peu comme un bloc notes...
Y sont inscrites des remarques temporaires...



Au sommaire pour l'instant :

- Grandir ensemble
- Tous dans le même bateau...
- La couverture
- Des taupes et des étoiles...
- Jean-François Mercurio : au-delà du bilinguisme






Par le biais de mes activités, j'ai eu l'occasion de me rendre compte de plusieurs choses ;

1°) au départ l'entendant (la personne dite "normale") est très ignorante de la manière de se comporter avec la personne dite "handicapée" ; elle n'a pas eu l'occasion d'en rencontrer ni de développer des relations d'amitiés ou d'aide, etc. Elle commence donc par être très maladroite (et très blessante pour la personne handicapée)...
Cette ignorance est liée à deux choses, la méconnaissance et la peur ;

- Parce que je ne connais aucune autre manière de me comporter, je me comporte comme je l'ai toujours fait avec les personnes "normales". Sauf qu'ici mes comportements sont inadaptés aux personnes handicapées. Au bout d'un moment, on s'en rend compte, et on comprend qu'il va falloir qu'on change nos habitudes de faire, de dire, de penser... "je vais devoir changer"... et la peur est déjà là... consciente ou inconsciente...
Quand la peur est déjà active, on peut se montrer orgueilleux, ou complaisant, agressif ou condescendant... on établit des rapports douloureux, de la violence.

- Peur de reconnaître que notre condition est précaire : je peux devenir sourd demain. Je peux perdre la vue demain... ou aujourd'hui... je peux mourir demain... ou dans quelques minutes...
Et si ça se trouve, moi, "personne normale", je ne suis pas si "normale" que ça...
Vais-je aller à la rencontre de mon propre handicap ? Celui que je tentais au possible de me cacher et de cacher aux autres...
Mon handicap serait lié au fait que j'essaie justement de cacher ce que eux, les personnes handicapées, ne peuvent pas cacher... ?
La peur m'empêche de prendre conscience de tout ceci... alors je trouve n'importe quelle stratégie pour nier mon propre handicap, mes propres faiblesses...
La peur doit céder au courage... le saut de l'ange peut se faire quand l'amour nous donne petit à petit des ailes...

2°) ensuite l'entendant (la personne dite "normale") qui cherche vraiment à "entrer en relation" avec les personnes dites "handicapées" se confrontent à de nombreux obstacles... en lui et à l'extérieur... Lesquels ?
Il est encore profondément ignorant, et il envisage plutôt le handicap, oubliant quasi systématiquement qu'il y a une personne "sous" cet handicap visible ou invisible... Une personne qui a les mêmes droits que n'importe quel citoyen...
Dans l'enseignement spécial, on a affaire à des enfants avant tout... la notion de handicap est secondaire pour celui qui s'est affranchit de cette ignorance de départ.

3°) arrivé à ce stade, la personne entendante (dite "normale") commence à entrer dans un monde qui n'est ni celui du "handicap" ni celui de la "normalité"...
Elle entre dans le monde de la tolérance. Et elle se rend compte que... nous sommes tous sur le même bâteau...
Qu'il est question de voyager ENSEMBLE... de fait...
Qu'il est question de s'harmoniser et non de s'intégrer... de respecter les rythmes de chacun et de supporter les erreurs passagères de chacun...
Qu'il est question de jouer ensemble...
Ni de dominer... ni de se soumettre...

"Intégrer" les minorités dans la majorité, c'est la méthode des barbares...
La force des inquisiteurs, des conquérants, des marchands d'esclaves...

Parvenir à faire bouger les deux polarités (majorité/minorités) pour entrer progressivement dans quelque chose de plus harmonieux, dans quelque chose qu'on ne connaît pas encore, c'est le fait même du changement et de la transformation...


Je sais que ces trois points, énumérés ci-dessus, sont vrais, parce que je les ai traversé un par un... Qu'il a fallu que je meurs aux illusions dans lesquelles je vivais... une par une... et encore... qui nous attendent...
Et de renaître à une autre manière d'entrer en relation avec les gens et avec le monde... avec moi-même aussi... une manière plus vraie et authentique qui s'éloigne progressivement des conditionnements des sociétés ("normales" et "normatives")...

J'en arrive à la conclusion simple...
En matière d'éducation il ne peut y avoir ici des enfants "normaux" et là des enfants "handicapés"...
C'est une illusion... c'est une séparation mensongère...
En vérité, il y a seulement des enfants ; mais certains (enfants "handicapés") ont des "noeuds" physiques, des "empêchements" cognitifs, des "blocages" émotionnels...
Mais tous les enfants du monde ont un corps, un coeur et un esprit. Et tous ces enfants (handicapés ou non) ont en eux des blessures, des noeuds, des blocages et des empêchements...
Comme le disait Janusz Korczak à peu près "ne regarde pas l'enfant tel qu'il sera (ou tel qu'il devrait être selon toi) mais tel qu'il est. Frêle, petit et maladroit, l'enfant connaît déjà le poids de son handicap"...
Ici le handicap des enfants, c'est le fait de n'avoir pas le droit au respect, simplement parce qu'il est considéré "trop petit" ; ainsi il ne participe pas au débat concernant les décisions qu'on prend pour lui... il n'a pas le droit d'exprimer librement ses idées... ou son corps... ou son coeur...

Ainsi, comme l'avait pressenti Decroly et quelques autres, il ne doit y avoir qu'une seule éducation.
Ce qu'on a su créer pour aider les enfants "handicapés" (comme le Snoezelen par exemple) peut très bien aider les enfants "normaux"...
Et inversement...

Pour améliorer l'éducation des uns, il faudra regarder "à l'intérieur" de celle des autres, et vice versa...

Ainsi on comprendra que nous sommes complémentaires...
Que nous nous enrichissons mutuellement avec nos différences...
Que nous pouvons GRANDIR ENSEMBLE...
et... ainsi... nous chérirons TOUS les enfants du monde comme les nôtres...


et le bilinguisme (langue des signes / français) peut se présenter comme l'une des premières démarches qui aille en ce sens...
Peut-être réellement la première... qui se peut être officialisée et institutionnalisée...



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