JMS 2010 : Hommage à J-F Mercurio

"Hommage à Jean-François Mercurio, pour le vingtième anniversaire de sa disparition"

article paru dans :
websourd.org
par Olivier Calcada


Cette année, nous fêtons le 20ème anniversaire de la disparition de Jean-François Mercurio. Partout en France, la Journée mondiale des sourds (JMS) va bientôt être organisée, et à cette occasion, la Fédération Nationale des Sourds de France souhaite rendre hommage à cet homme illustre. Olivier, notre journaliste, nous dresse d’abord un portrait Jean-François Mercurio puis nous évoquerons ensuite sa mémoire à travers les témoignages de Jacques Sangla, un de ses amis d’enfance et de Pauline Texier, qui a été parmi les premiers élèves de la classe bilingue de Poitiers dont il fut le professeur. C’est l’occasion également de porter un regard et notre réflexion sur l’évolution de la société depuis 20 ans par rapport à la communauté sourde.




1- Portrait de Jean-François MERCURIO (1ère partie)

La période allant de 1970 à 1990 a été qualifiée de « Réveil Sourd ». A cette époque, les Sourds ont réellement découvert leur identité, le militantisme, la citoyenneté. Cette période à vu aussi émerger des figures importantes comme Emmanuelle Laborit ou Jean-François Mercurio. Ce dernier, est un célèbre militant pour la cause de la place des citoyens sourds signant mais il est aussi le premier enseignant bilingue sourd pour les enfants sourds. Il existe une image célèbre qui à marqué les esprits et qui est connu non seulement en France ou en Europe mais dans le monde entier !
C’est quand même une image forte que de briser des appareils auditifs ! Mais cela ne symbolise pas le refus du monde de l’oralisme, des appareils auditifs ou de l’orthophonie, non... C’est le symbole du refus de l’oppression ! C’est refuser que la personne sourde ne soit vu qu’au travers de son oreille déficiente. C’est exprimer la nécessité de prendre en compte l’humain dans sa globalité afin de lui permettre une réelle construction personnelle. Mais laissons Jean-François nous l’expliquer.
Jean-François Mercurio avait un réel don de communication, il faisait passer son discours avec aisance et charisme. Les Sourds, comme les Entendants n’avaient pas de mal à le comprendre. Je vais vous exposer brièvement sa vie afin de mieux comprendre comment il a pu accéder à cette place de leader militant au sein de la communauté.
Jean-François est né de parents entendants, il avait deux sœurs dont une sourde. Durant son enfance il a fréquenté les institutions spécialisées d’Albi, Marseille et Chambéry où des enseignants entendants lui ont dispensé une éducation oraliste. En parallèle de ces études, il adorait se rendre dans les associations pour Sourds et fréquenter la communauté. C’était l’occasion d’échanges, de fêtes, de rires et de rencontres. En 1978 alors que Jean-François faisait partie de l’association toulousaine TSS, il a remporté la finale de la coupe fédérale avec son équipe de football. Il adorait ce sport et était un vrai battant lors des matchs, plein de vivacité et de hargne, il pouvait même être caractériel.
Jean-François conciliait sa vie associative, professionnelle et familiale sans réelle conscience de son identité sourde jusqu’à ce fameux jour de 1982. En effet, 2LPE avait organisé à cette époque une semaine de stage à Marseille et c’est en compagnie de Rachid Mimoun et Jacques Sangla qu’il vit pour la première fois des enseignants sourds. Ce fut un vrai bouleversement puisque jusqu’à présent Jean-François n’avait eu à faire qu’à des professeurs entendants. Que des Sourds puissent se mettre à l’égal des entendants fut pour lui un choc. C’est à partir de ce jour que naquit chez lui un réel conflit intérieur, pour lui ce fut une deuxième naissance.
C’est en 1983 alors que Jean-François était toujours en proie à un conflit intérieur, qu’il eut sa fille Sophie, elle-même sourde. Il eut alors un déclic en pensant à l’éducation de sa fille, en effet il n’existait que des écoles spécialisées et il ne voulait pas que sa fille subisse la même scolarité que lui. C’est donc en 1984, qu’il quitta Toulouse pour rejoindre l’association 2LPE à Poitiers et qu’il devint le premier Sourd enseignant en Langue de Signes auprès d’enfants sourds.



2- Portrait de Jean-François MERCURIO (2ème partie)

C’est en 1988 que les classes bilingues se mirent vraiment en place, d’abord la maternelle puis le primaire, les effectifs ne cessaient d’augmenter. Jean-François en était le directeur mais il n’en oubliait pas pour autant le militantisme.
1990 fut aussi une année célèbre puisque c’est cette année là que fut organisé au Futuroscope de Poitiers le premier colloque international de la Langue de Signes. L’ouverture de cette manifestation ne prit pas la forme d’une simple inauguration mais elle fut marquée par un geste fort de la part de Jean-François Mercurio puisque c’est à cette occasion qu’il cassa des appareils auditifs devant un large public. Durant ce colloque Jean-François a tenu une série de conférences dont certains propos très fort ont marqué notre histoire. Voici quelques extraits.
Nous avons évoqué la série de conférences que Jean-François Mercurio a tenues lors du colloque internationale de la Langue des Signe de 1990, mais vous ? Avez-vous pu y assister ? Non ? Websourd est heureux de vous offrir l’intégralité de ces conférences !




3- Question 1

Ce n’est que quelques jours après ce colloque que Jean-François Mercurio a disparu. Il a été durant plusieurs années une grande figure du militantisme sourd et en particulier défenseur de la cause de l’éducation des enfants sourds. Nous sommes actuellement en 2010 et nous avons eu envie de savoir ce qui a évolué depuis 20 ans.

Olivier Calcada : Pourriez vous me donner votre sentiment concernant l’évolution de la société sur ces vingt dernières années ?

Pauline Texier : Il y a vingt ans, la communauté sourde dans son ensemble se mobilisait sur des actions ayant traits à la citoyenneté, à l’identité, les revendications étaient portés par des leaders naturels de cette communauté et Jean François Mercurio était l’un d’entre eux. C’était mon professeur. Lors des cours de mathématiques, de langue des signes ou autres, il insistait sur l’implication que nous devions avoir à tout instant de notre vie, de ne pas nous comporter en assisté de la société et que nous étions responsable de ce que nous faisions de nos vies, nous ne sommes pas des handicapés mais bien des personnes. Il m’a structuré de manière inconsciente, il m’a permis de prendre du recul sur ce que je vivais. Aujourd’hui, les objectifs des combats à mener paraissent plus flous, la communauté sourde se cherche des leaders. La situation lorsqu’elle paraît injuste ne suscite même plus la mobilisation pour revendiquer ses droits. Il y a du « laisser-faire »...

Jacques Sangla : Tout était plus difficile avant 1990, les échanges entre sourds et entendants étaient compliqués, la vie et le parcours professionnel des personnes sourdes pas vraiment facile. La vie des sourds s’est améliorée depuis vingt ans. Je me souviens m’être rendu en Suède et aux États-Unis dans les années 90, nous avons pu constater le retard qui prédominait alors en France, sur le sous-titrage télévisuel et sur le nombre d’interprète. La mise en place de formations diplômantes d’interprète et la création de services d’interprète ont débutées dans ces années là, en France. Cela a permis aux sourds d’accéder aux conférences, la vie sociale des sourds s’est amélioré aussi, par la possibilité de faire appel à des interprètes de liaison pour les démarches de la vie quotidienne. Je me souviens qu’il n’y avait pratiquement pas de sous-titrage à la télévision. La loi de février 2005, qui impose aux chaînes publiques et privées l’accessibilité de leurs programmes, a grandement contribué à l’amélioration des conditions de vie des sourds. Le regard sur nous a changé, auparavant lorsque nous étions amenés à rentrer en contact avec quelqu’un dans la rue ou lorsqu’une personne se rendait compte tout simplement que nous étions sourds, le regard porté sur nous était teinté de pitié ou d’incapacité à notre égard. Nous étions vus comme des personnes qu’il fallait accompagner dans leur vie. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, les sourds par le biais des associations, ou la télévision par le biais d’émissions comme l’œil et la main, ont contribué à ce changement du regard de la société sur nous. La loi de Février 2005 provoque aussi une évolution, puisque qu’elle impose certaines obligations à la société. Notre vie s’est nettement améliorée, bien sûr, tout n’est pas parfait, nous devons travailler de concert sourds et entendants pour continuer à améliorer la société dans laquelle nous vivons.


4- Question 2

O.C. : Nous constatons aujourd’hui que peu de personne, dans la communauté sourde, connaissent Jean-François Mercurio. Pensez vous qu’il devrait faire partie du programme d’enseignement d’Histoire au même titre que l’abbé de l’épée ?


P.T.
: Ce serait une bonne chose qu’il fasse partie du programme d’enseignement d’histoire. Dans l’histoire des sourds, on évoque souvent les mêmes personnes, l’Abbé De L’épée, Bébian, etc... mais Jean-François est de la trempe de ces grands hommes. Les classes bilingues existent et c’est en partie à lui que nous le devons. Si la réflexion autour de l’identité sourde s’est approfondi c’est grâce à lui. Il a provoqué une véritable réflexion autour de la langue des signes. Bref, il me semble nécessaire qu’une trace de son action perdure et qu’apparaisse son action dans les programmes d’enseignements me semble tout à fait justifié.

J.S. : Jean François, c’était un grand homme. Il était un communicant hors-pair, ses discours étaient d’une grande clarté, il s’adressait aux autres avec des mots simples. Ce qu’il disait nous paraissait évident mais c’était le fruit d’une recherche permanente, d’échange avec ses amis jusqu’à fort tard dans la nuit, il était infatigable. Il était un travailleur acharné et nous avons vu le résultat de ses réflexions lors du colloque qui s’est tenu au Futuroscope de Poitiers. Il a frappé les esprits cette semaine-là. Nous nous connaissions depuis l’enfance, mais là, il m’a bluffé. Puis il nous a quitté, c’est sa décision, son choix. Il fait partie des hommes dont nous devons nous inspirer, alors oui il doit être enseigné dans les classes au même titre que l’Abbé De l’Epée ou Bébian, mais lui, il est un grand homme du XXème siècles. Il est plus proche de nous, l’identification se fait plus naturellement. C’était un homme généreux, chaleureux, et comme je le disais, un travailleur infatigable doublé d’un militant politique infatigable. Il se rendait dans les ministères, ou auprès d’élus locaux, pour expliquer avec des mots simples la vision qu’il avait de la société, son discours était d’une réelle fluidité. Heureusement, il nous reste des traces de sa parole, elles sont sur des cassettes vidéos, nous devrions les diffuser pour nous rappeler ces idées, je ne parle là, pas de l’homme, mais de sa parole. C’est un vrai patrimoine culturel des sourds qui est en sommeil sur ces cassettes. Et puis, pourquoi ne pas imaginer une trace plus tangible, tel qu’une statue ou un tableau, ou encore une rue qui porterait son nom, et nous permettrait de nous souvenir de son action.


5- Question 3

O.C. : Jean-françois Mercurio répétait que les associations et les services s’adressant aux sourds dans une ville devaient se regrouper au sein d’une seule maison ou structure, et informer depuis ce lieu la société, pensez vous que cette idée reste d’actualité ?

P.T. : Il le disait effectivement, une sorte de maison solidaire. Je suis partagé sur cette idée. Aujourd’hui les combats menés par les associations se font en ordre dispersé et cela ne permet pas de faire avancer nos revendications, si les associations se regroupaient, nous serions plus facilement écouté par les pouvoirs publics, et nous aurions probablement obtenu des résultats sur nos revendications sur l’accessibilité par exemple. Mais d’un autre coté, je n’aime pas l’idée où nous regrouperions tous les sourds dans une même structure, tout comme les entendants, nous sommes dans la société, et nous pouvons avoir des sensibilités différentes, représentés donc par des associations différentes. J’ai peur d’une structure unique sur laquelle on plaquerai le H de handicap du point de vue de la société, d’une structure « ghettoïsante » pour les sourds qui pourrait en exclure les entendants, ce serait une structure enfermante. Ce qui est important ce sont les opinions, les idées, si elles sont partagés par un jeune, un vieux, un entendant, peu m’importe, si nous avons la même idée on peut se regrouper pour la faire avancer. C ’est la philosophie que nous partageons qui m’importe, ensuite s’il est entendant ce n’est pas grave, nous nous débrouillerons en faisant appel à un interprète par exemple, ou nous passerons par l’écrit, et s’il connaît la langue des signes, alors c’est encore mieux !

J.S.
: Cette annonce au Futuroscope de Jean-François, sur la volonté de créer des centres locaux, régionaux, regroupant l’ensemble des acteurs du monde des Sourds sur un seul lieu reste valable. Une structure regroupant les actions autour du loisir, de la culture et de l’information aujourd’hui cela n’existe toujours pas. A l’époque, je me souviens que la Fnsf était une structure qui promotionnait essentiellement l’oral. Avec plusieurs membres, nous avions investi les centres de décisions et modifiés durablement l’action de la Fnsf auprès de ses membres. Aujourd’hui, elle s’occupe des questions de langue et de tout ce qui y affère. Ce fut une des premières actions de grande envergure maintenant il faut se concentrer sur les structures locales. Développer les associations et les rendre plus solidaire sont des priorités, il faut développer des échanges entre nous, et des stratégies communes. Donc un lieu, qui accueillerait les sourds en difficultés, qui permettrait de les ressourcer, qui développerait une solidarité, qui permettrait d’informer les parents, le grand public sur nos actions, reste à l’ordre du jour. Un lieu d’échange et de savoir serait un symbole fort pour toute la communauté des sourds, il y a quelques projets dans les régions mais pas de structure réellement bâti sur les principes qu’évoquait Jean-François. Est ce parce que les sourds ne l’ont pas compris ou ils ont oublié sa nécessité ? La JMS est le bon moment pour réveiller ce projets de maison commune dans les régions, il faudrait faire appel aux associations locales pour qu’elles le mettent à l’ordre du jour de leurs débats publics. Ainsi peut-être que les quelques projets qui existent actuellement, verrait aboutir leur action et servirait de modèles pour d’autres régions à la création de maison commune, je l’espère !


6- Question 4

O.C. : La loi du 11 février 2005, laisse le libre choix aux parents du mode d’éducation de leur enfant. L’oralisme, la Langue des Signes ou le Langage Parlé Complété. Tout cela étant mis sur un même pied d’égalité, pourtant, Jean-François Mercurio signifiait la prééminence de la langue des signes sur les autres modes. Finalement, la loi et ce que dit Jean François diffère, quelle est votre opinion ?

P.T. : Pour Jean-François, dans l’établissement du programme scolaire des classes bilingues, il n’était pas concevable que la langue des signes soit une option. La nécessité de maîtriser une langue avant d’envisager tout autre apprentissage, est primordial. La loi de 2005, qui laisse aux parents le libre choix du mode de communication pour leur enfant dans l’éducation scolaire, met sur un même plan, une langue et des modes, outils et méthodes de communication, c’est rageant ! Tout est mis sur le même plan la LSF le LPC, et l’oralisme ! Le souci c’est que beaucoup de sourd ne réagisse pas, ils pensent qu’ils ont gagnés avec l’inscription du libre choix éducatif dans la loi de 2005, Jean-François serait encore là, il réagirait vertement à cette situation et des actions seraient menées, j’en suis convaincues. De plus, avec la mise en place du Pass aujourd’hui, nous sentons que la situation est bloquée la langue des signes est vu comme un outil, c’est désespérant !

J.S. : A l’époque de la mise en place de 2LPE, des parents, des professionnels, des sourds se sont regroupés et ont réfléchis ensemble, à une nouvelle méthode éducative pour les enfants sourds centré sur la langue des signes, c’est le bilinguisme. Auparavant, la seule méthode d’enseignement était l’oralisme, il n’y avait pas d’alternative. En 1990, Jean-François a voulu symboliser le discours tenu jusqu’à présent par les tenants du bilinguisme, par la destruction de ses appareils auditifs à coup de marteau. C’est une image forte, il voulait signifier par cette action un renversement d’échelle de valeur. Ce n’était pas une opposition à l’oral, mais une mise en avant de ce qui constitue les sourds, la Langue des Signes. Reconnaître l’identité des sourds et leur langue, le reste n’était que méthode éducative, secondaire par rapport aux individus. Nous avons vu un an après, la loi dite de 1991 autorisant le libre choix éducatif pour les enfants sourds entre une scolarité orale ou bilingue. Pourtant les classes bilingues restent peu développées et la loi de 2005 n’améliorent pas cet état de fait. Le chantier reste important, les classes bilingues représentent une infime partie de l’éducation des enfants sourds en France, en rapport avec les effectifs des classes d’enfants appareillés, implantés, oralisés, en intégration...je suis soucieux pour les nouvelles générations, je pense qu’il faudrait remettre en place un groupe de réflexion qui sensibiliserait la société sur les questions d’éducations des enfants sourds. De nos jours, cela me parait nécessaire. Remettre en avant la question de l’identité, de l’individu, de la langue. Un enseignement en langue des signes est du même ordre qu’un scolarité suivi en allemand ou en anglais, or, aujourd’hui on mélange des outils de communication avec des langues dans la scolarité de nos enfants, c’est un point qu’il faudra vraiment travailler pour la réussite de nos enfants.


7- Conclusion


O.C. : Est ce que tu as envie d’ajouter quelque chose ?


P.T. : J’ai passé 7 ou 8 ans de ma scolarité avec Jean-François, et à l’époque je ne réalisais pas tellement l’enjeu, pourquoi il nous parlait de responsabilité, pourquoi nous devions aller manifester etc... Ce n’est qu’après sa mort que j’ai réalisé, l’importance de la langue des signes, de la valeur de ma langue ! J’ai réalisé que la langue et la scolarité était des choses à ne surtout pas prendre à la légère ! Je me rends compte maintenant que mon identité est très claire et je tiens à lui dire merci pour ça ! Je ne me définie pas comme Sourde avant tout, non ! Je suis moi, je suis Pauline, avec le parcours que j’ai eu. Bien sûr je suis Sourde, mais cela fait parti d’un tout, comme le fait que je sois une femme ou une brune avec tel parcours scolaire et professionnel. L’identité sourde ne vient pas de la surdité en elle même, mais de toutes les actions que l’on peut mener pour notre communauté. C’est important de le comprendre. Pour ma part, si je suis aussi à l’aise avec les Sourds que les Entendants c’est parce que je suis très au clair avec mon identité. Je ne serais pas amie avec tous les Sourds seulement parce qu’ils sont sourds. Si un Sourd est con ce ne sera pas mon ami et ce sera pareil avec un Entendant. Pour moi c’est clair !
Auparavant, lorsque j’étais petite, nos parents militaient pour tous les enfants sourds, alors que maintenant j’ai l’impression qu’il y a une forme d’individualisme, les parents ne se préoccupent plus que de leurs propres enfants. Les sourds qui ont des enfants entendants ne militent plus car ils estiment que ce n’est plus leurs problèmes. Avant, il y avait une vraie solidarité qui n’existe plus aujourd’hui.

J.S. : Je me souviens qu’à l’époque où Jean-François Mercurio à tenu sa série de conférence au Futuroscope de Poitiers il était directeur des classes bilingues. Il avait exposé les différents stades de la scolarité d’un enfant sourd, les méthodes de pédagogie. Depuis cette époque, 20 ans se sont écoulés. Les enfants dont Jean-François parlait sont maintenant des adultes et quand on les voit, on voit simplement des citoyens, absolument pas des personnes handicapées. Mais ces citoyens Sourds éduqués dans un mode bilingue ne représentent qu’une minorité par rapport à l’ensemble de la population sourde. Je pense donc qu’ils ont un message à faire passer, Ils sont l’héritage du bilinguisme. Ils doivent être les vecteurs de cette image de réussite auprès des associations, de la fédération, des parents... Il faut continuer à se battre, reprendre le combat de Jean-François, il ne faut pas lâcher.
1880 est la date de l’interdiction de la langue des signes, c’est un symbole très fort. Ce n’est que 100 ans après, vers le milieu des années 70 que des parents et des professionnels ont provoqué le réveil de la langue de signes. Depuis cette période, on découvrait et comprenait que nous parlions une langue, la langue des signes. Puis est apparue la loi du 11 février 2005 qui a de nouveau réduit notre langue au champ du handicap, Je ne suis pas d’accord avec ça ! Il faut reconnaitre la langue des signes comme une vraie langue, elle devrait être rattachée au ministère de la culture ou de l’éducation nationale. Il ne faut pas nous stigmatiser. Il faut continuer notre combat, nous n’allons pas nous résigner. Il faut que la langue des signes soit reconnue comme une vraie langue et non comme une langue du handicap. Il faut profiter des JMS ou de manifestations ou rencontres publiques pour aller à la rencontre des gens et mener une réflexion avec eux sur ce que l’on veut. Nous sommes dans une démocratie et à ce titre nous pouvons nous faire entendre, nous sommes une communauté qui souhaite qu’on lui reconnaisse sa spécificité, sa langue. C’est comme un arbre, si on le change sans cesse de terre il dépérit, alors que si on le laisse s’enraciner il se fortifiera et deviendra grand et beau comme ce magnifique arbre que vous voyez derrière moi...
Le sociologue Bernard Mottez qui a étudié la situation des Sourds, nous dit bien que la disparition de Jean-François Mercurio ne signifie pas la fin de son combat, il nous l’a laissé en héritage.








Liens


Conférence de JF Mercurio en entier
: http://www.vimeo.com/14852736
Blog en hommage de JF Mercurio : http://jean-francois-mercurio.blogspot.com